J’ai une vision.
Homo sapiens sapiens 2.0.
Je perçois l’Homme sous une perspective macroscopique. Je m’extrais de mon enveloppe d’animal cloisonné dans ses modèles stéréotypés. Je me perche sur une étoile oubliée, au milieu du désert cosmique où plus un son ne parvient, où les sens terrestres sont inutiles; et je me penche sur les gesticulations biologiques de notre planète, tel un empiriste savant l’oeil rivé sur la lunette de son microscope à balayage électronique. L’Homme est l’animal dominant actuellement sur la planète Terre. Depuis la macération originelle qui a vu éclore la vie sur le globe, de façon improbable et miraculeuse, jusqu’à notre ère numérique, il n’a cessé de s’adapter, avec un sens de la survie si grand qu’il a su compenser son extrême vulnérabilité physique.
Aujourd’hui, l’espèce humaine semble vivre une mutation à situer au même niveau – voire à un niveau supérieur – que l’apparition du langage, de l’écriture, de la sédentarisation ou que l’invention de la roue ou du chauffe-tasse USB. La dimension numérique de notre civilisation s’inscrit dans un processus de métamorphose biologique, tout comme la capacité de tisser sa toile chez l’araignée est intégrée dans ses gènes. La révolution industrielle amorcée au XIXème siècle – histoire de ne pas remonter à homo ergaster ou Gutemberg – , puis la révolution capitaliste démarrée après-guerre a mené notre espèce – elle-même dominée en son sein durant ces périodes par l’homme blanc occidental – a accomplir la révolution numérique. Celle-ci a engendré une uniformisation, du moins à brève échéance, de l’humanité. On a souvent nommé ça la mondialisation, même si ce lexique a souvent des échos économiques. Or, les grandes avancées de l’homme ont toujours eu une assise économique. Sa domination avérée actuelle sur les autres organismes vivants de la planète a pu s’installer par ces facteurs, l’économie induisant une organisation structurelle, une anticipation et une analyse. L’économie répond aux nécessités psychologiques de l’instinct de survie.
Je vois l’homme comme une bactérie. Plus complexe biologiquement, mais organisme vivant mué par les mêmes contingences physiques que l’amibe, le ficus de ma pulpeuse voisine ou son chat. Une bactérie. Ou, mieux, un virus. Se reproduisant inlassablement, guidé par l’obsession de perdurer, sans se poser vraiment de questions quant à cet aspect des choses. C’est évidemment à cause de nos instincts de survie que le sexe est devenu au fil des générations successives une chose si agréable.
Nous sommes une infime partie d’un tout, tels les cellules d’un organisme vivant. Comme le virus, nous combattons l’hostilité des éléments environnementaux en mutant et en nous adaptant. Dieu est en nous, nous sommes Dieu. Nous sommes un maillon d’une machine transgénérationnelle vouée à l’expansion et la reproduction. La domination comme moteur de survie. « la meilleure défense, c’est l’attaque » disait Aimé Jacquet, grand penseur dans sa catégorie. « Muscle ton jeu, Robert! » assénait-il également à Robert Pirès en l’an 1998 de l’ère chrétienne. Tout ceci n’est pas sans rapport avec le thème de ce texte. Ce besoin d’évolution constante et de propagation aveugle et obsessionnelle, l’humain l’a au cours des temps mis à jour par le biais de quelques-uns des plus névropathes de ses congénères – du moins ceux qui ont pu s’exprimer – tels que Julius Caius Caesar ou Adolf Hitler. Ils voulaient – inconsciemment – imposer leur image comme modèle pour l’espèce humaine, celle-ci tâtonnant encore quant à se définir dans ses mutations. Leurs biais outrageusement bestiaux n’étaient que le reflet d’un aspect de nos mécanismes de défense et de développement biologique. Adolf est en nous, nous sommes Adolf !
L’homme est le cancer de la planète. Soit la nature l’expulsera avant qu’il n’ait éradiqué toute forme de vie à la surface de la Terre, soit il saura se détourner de ses soifs de destruction névrotique et de nuisance pathogène, en grand animal génial et bourré de ressources qu’il a su être au fil des âges.
Toute cette alchimie en gestation mènera peut-être un jour à l’Etre fini, probablement asexué, synthèse de toutes les formes – ethniques ou sociales – qu’a pu endosser l’humain. L’homme abouti n’aura plus de nation (qui apparaîtra bien vite comme un vil reliquat de pratiques tribales), la société sera égalitaire, toute hierarchie autoritaire étant anxiogène et facteur de violences (ce qui nuit en toute logique à l’évolution positive de l’espèce) et il intègrera physiquement des paramètres numériques.
Personnellement, je considère déjà mon PC comme une annexe de mon cerveau.
Homo sapiens sapiens 2.0.